Je lisais dernièrement le résultat des récentes élections à Ortale ; inscrits : 35, votants : 24. Durant quelques jours, au pic de l’été, nous atteignons une petite centaine d’habitants. Et je ne parle pas du nombre de résidents à temps plein l’hiver !
J’allais alors rechercher le résultat des recensements des siècles précédents.
En 1769, on relève 289 habitants pour 53 feux (foyers), ce qui place Ortale au 4ème rang des villages du canton derrière Pietricaggio et Perelli, juste un peu après Tarrano et à égalité avec Novale et Felce. Ce recensement a été établi juste après les luttes du XVIIIème, ce qui explique le déficit de jeunes adultes masculins que l’on peut estimer à 15. On arrive alors à un chiffre comparable à ceux des recensements du XIXème. (1818: 335 habitants pour 67 feux ; 1846: 320 habitants pour 67 feux). Une étude des registres d’état civil montre que la population a encore crû au cours du second empire pour atteindre environ 350-370 habitants.
Je reviendrai sur les activités du village, mais il est clair qu’Ortale ne pouvait pas nourrir alors tous ses enfants. Au cours du dernier quart du XIXème les départs se sont multipliés dans diverses directions : engagements dans l’Armée ou l’Administration, obtention de concessions ou d’emplois pour la mise en valeur de l’Afrique du nord (exploitation de terres, création et gestion d’infrastructures telles que le chemin de fer), enfin les plus aventureux sont partis tenter leur chance aux Amériques.
A la fin du siècle, les grands travaux ont entrainé l’arrivée de ressortissants italiens qui n’ont pas compensé ces départs. En 1906, le village comptait 173 habitants répartis dans 45 feux. Les bouleversements dus à la première guerre mondiale ont encore accentué cette hémorragie. Les départs constatés à cette époque seront en partie compensés une trentaine d’années plus tard par le retour de familles arrivées à l’âge de la retraite. Ce sera le dernier apport relativement important de population.
Les activités des habitants du village étaient essentiellement agricoles. Tout d’abord l’exploitation des châtaigners et des oliviers. Au XVIIIème, on note une surface importante de vignes qui seront petit à petit abandonnées, seules restant entretenues les propriétés de Mezzana sur la commune de Chiatra. Il suffit de se promener dans les environs du village pour voir les vestiges importants de terrasses et de murs d’enclos pour réaliser l’importance des cultures de céréales, plantes fourragères, chanvre ou lin. Pratiquement toutes les femmes du village étaient alors fileuses et la réputation du drap d’Alesani était connue dans toute la Corse. Enfin, la situation relativement douce du village permettait la culture de jardins frais que l’on trouvait à Ponte, Pastinelle, Battagliala, Gargolo, Funtaniccia, Solaghiolu, Muntagnanu, jusqu’à Dominichela limitrophe de Cotone qui, vu l’éloignement avait nécessité la construction de maisonettes.
Des familles de forgerons étaient installées au village : Davidi, Alessandrini, Monterastelli.
Les moulins de Piovanacchiu et Ponte étaient exploités par les Rinaldi, Franceschi, Pietri et Anziani. L’instruction des garçons était assurée par les prêtres assez nombreux au village puis par les instituteurs de la République pour tous.
Le lecteur qui connaît le village peut alors se poser la question de savoir où toutes ces personnes pouvaient se loger. La réponse est donnée dans la prochaine chronique qui raconte l’histoire des maisons du village.